Deux poèmes conselheristas composés de « A à Z »
Deux poèmes conselheristas composés de « A à Z » :
souvenir de Canudos
Au Brésil, le 5 octobre 1897 dans l’intérieur de l’Etat de Bahia s’achève la guerre de Canudos. En ce jour tragique, la ville de Belo Monte (Canudos)[1] est détruite par l’armée républicaine brésilienne et les derniers défenseurs conselheristas sont tués. Les femmes, les enfants et les vieillards habités par l’indicible terreur, dépouillés de leur espoir de vivre protégés à l’abri d’un monde hostile, sont dispersés aux quatre vents et livrés à leur effroyable sort. Antônio Vicente Mendes Maciel ou Antônio Conselheiro est déjà mort. Cinq ans plus tard, Euclides da Cunha[2], reporteur d'un journal brésilien renommé O Estado de Sao Paulo et témoin du massacre, publie Os Sertões[3] - « œuvre-mémoire » - attestant et maintenant le souvenir de la tragique guerre de Canudos et de ses acteurs durant déjà plus d’un siècle.
La guerre de Canudos a été un des événements le plus violent et dramatique de l’histoire brésilienne affirme Denis Rolland : « une guerre civile drainant un impressionnant cortège de barbarie »[4]. Engendrée par les pouvoirs centraux républicains contre le prédicateur Antônio Vicente Mendes Maciel - Antônio Conselheiro - et sa communauté, la guerre s'est justifiée comme un combat essentiel qui protégerait la nation d'une véritable menace.
L’histoire de Canudos se construit pendant les vingt ans de pèlerinage d’Antônio Conselheiro. Prédicateur et conseiller, allant de village en village, il captive et enchante des milliers de pauvres effrayés par les changements politiques, économiques et sociaux de la fin du XIXe siècle. Ainsi ces hommes et ces femmes adhérant aux idées de cet homme forment une communauté autonome soutenue par un système de production semi-communautaire vivant du commerce du bétail et des ressources agricoles. Les conselheristas sont catholiques, monarchistes et s’opposent au mariage civil, ils n’acceptent que l’autorité de l’Empereur parti en exil. Les pouvoirs centraux jugent cette situation insoutenable et dangereuse. Antônio Conselheiro est considéré comme un malade - « doente grave »[5] - et un monstre. Euclides da Cunha le décrit sous ces termes « […] sombre anachorète aux cheveux tombant sur les épaules, à la barbe longue et hirsute ; aux joues creuses ; au regard fulgurant ; à l’habit bleu de coutil américain au classique bourdon soutenant les pas lents des pèlerins »[6].
Depuis la moitié du XXe siècle[7], les nombreuses publications d’Os Sertões d’Euclides da Cunha (1902) en portugais et en d’autres langues, le roman de Mario Vargas Llosa intitulé La guerra del fin del mundo (1981) qui retrace la tragédie de Canudos comme « une aventure liée à l’Histoire »[8], l’intérêt porté par les historiens, les anthropologues, les littéraires, les géographes et les historiens d'art, les analyses réalisées effectuées sur l’ensemble des manuscrits, des lettres et des journaux[9], les livres d’histoire destinés à l’enseignement scolaire prouvent, sans aucun doute, que la guerre de Canudos se renouvelle indéfiniment dans la mémoire collective. L'ouvrage Le Brésil face à son passé : la guerre de Canudos. Quand les Brésiliens découvrent le Brésil : Euclides da Cunha, l’écriture et la fabrique de l’histoire[10] coordonné par Idelette Muzart Fonseca dos Santos et Denis Rolland et publié lors du centième anniversaire d’Os Sertões traduit l’hétérogénéité des regards critiques. Ce volume présente un ensemble assez complet de références bibliographiques guidant le lecteur vers de nouvelles réflexions et perspectives.
Enfin, dans un vaste corpus déjà largement étudié, composé également de photographies prises lors des combats, de témoignages livrés par des soldats, des journalistes et des médecins qui ont participés à la tragédie, par les carnets de note d’Euclides da Cunha, par des articles écrits et envoyés au journal O Estado de São Paulo lors du combat, deux poèmes composés selon l'ordre alphabétique que l’on nomme Abc poétiques attirent l'attention. Les deux Abc poétiques, forme poétique traditionnelle, ont été collectés oralement et consignés par Euclides da Cunha dans Caderneta de Campo[11]. Ils sont publiés dans Canudos na Literatura de Cordel de José Calasans[12].
Euclides da Cunha conditionné par son orientation évolutionniste et positiviste dans Os Sertões décrit négativement les poèmes inscrits sur des morceaux de papier qu’on lui aurait transmis «[…] de pauvres morceaux de papier, où l’orthographe barbare allait de pair avec les absurdités les plus naïves, dont l’écriture irrégulière et laide paraissait photographier la pensée torturée, et qui résumaient la psychologie de la lutte […][13]», or ces deux textes poétiques publiés dans Canudos dans la littérature de cordel et valorisés par José Calasans sont rares et méritent une attention particulière au sein d’une étude tenant compte des formes poétiques traditionnelles dans la culture brésilienne.
L'Abc poétique ou l’acrostiche alphabétique est un texte poétique en vers dans lequel chaque strophe, chaque vers, parfois chaque mot commence par une lettre de l'alphabet. C’est une louange didactique. L’Abc poétique est régi par sa forme assez stable formée par une structure plus ou moins fixe qui offre, toutefois, une certaine liberté de création. Les poètes y organisent des jeux ludiques de lettres et de sens. La charpente mnémotechnique structurée par l'alphabet est enrichie par les échos, les allitérations, les répétitions et par les formes traditionnelles de l'oralité comme les discours directs, les proverbes, les citations qui peuvent également suivre l'ordre alphabétique. Cette diversité enrichit le contenu.
De « A à Z » les parties constitutives d’un sujet toujours édifiant sont développées sous le ton de la louange. Certaines œuvres présentent des strophes préambulaires où le « je » de l'énonciation dévoile le thème, la raison de sa composition, sa posture et les différentes données circonstancielles. Cette énonciation - ce premier contact avec le public - marque le statut de la performance et le temps du présent actualise le discours. L'autre « marge du texte » constituée par les strophes conclusives offre une bonne compréhension du sujet traité. Le poète reprend la parole, il donne son avis sous forme de commentaire, de proverbe ou de métaphore. On remarque que le signe tilde – til (~ ) considéré au Brésil comme une lettre à part entière[14] clôt de nombreux poèmes collectés à partir de la tradition orale. Les poètes populaires qui composent des poèmes vendus en folhetos[15] emploient rarement ce signe. Cependant des acrostiches nominatifs peuvent y apparaître formant la signature du poète[16]. Ces strophes conclusives sont des « strophes signatures » dans laquelle le poète affirme la propriété intellectuelle. En guise d’introduction ou en guise de conclusion le poète n’est pas obligé de suivre la séquence alphabétique alors que le chaque strophe du poème doit être obligatoirement annoncée par une lettre de l’alphabet suivant le plus possible la séquence normative de « A à Z » ou de « A à TIL ».
Description, énumération et description d’actions (considérée comme une forme de narrativité), confèrent au poème l’aspect d’un manuel dans lequel une leçon sera « dite » et mémorisée par la communauté. L’Abc poétique est un poème mémoriel et mnémotechnique : selon Luís da Câmara Cascudo c’est un « índice de consagração »[17]. C’est une « mise en ordre »[18] en vers qui enrichit l’ensemble des formes poétiques traditionnelles et conçoit grâce à son aspect formel une énonciation spécifique. Enfin, l'Abc poétique est fondé dans une culture de l'écrit mais la voix qui le psalmodie, le récite, le dit et même le lit occulte cette écriture considérée comme secondaire par la communauté. A chaque performance orale l'alphabet est un symbole de la culture de l'écrit in presencia. Cette structure poétique alphabétique a été choisie par des poètes de tous les temps dans nombreuses cultures comme saint Augustin, saint Hilaire de Poitiers, Guillaume de Deguileville, Geoffrey Chaucer, Juan del Encina, Luís de Camões, Domingos Caldas Barbosa, Rodolfo Coelho Cavalcante ou Paulo Nunes Batista[19] pour n'en citer quelques uns. Les Abc poétiques établissent les « chemins d’une tradition » formelle et thématique gravée dans les mémoires, transmises par les voix dans de nombreuses cultures, tout particulièrement dans la culture brésilienne.
Ce premier constat prouve que les deux acrostiches alphabétiques recopiés par Euclides da Cunha (considérés comme des poèmes oraux[20]), le premier sans titre[21] et le second intitulé A.B.C. das incredulidade[22], présentent un véritable intérêt au sein des traditions poétiques s’inscrivant dans une perspective thématique et discursive. Ils révèlent d’un côté, les images symboliques habitant les conselheristas et de l’autre, leur perception de la guerre et de ses acteurs.
Au Brésil de nombreuses formes textuelles composent la tradition orale : canto, dança dramática, mito, lenda, fábula, contos, rondas infantis, parlendas, mnemonia, adágios, provérbios, romances, desafio, poesia mnemônica, cantiga par exemple. Dans plusieurs régions on dévoile les chagrins d’un amoureux en poésie, en vers on sollicite les saints et la Vierge Marie au rythme de la prière, on interprète les faits historiques, on raconte la geste des cangaceiros[23] et des animaux, on instruit aussi en poésie les savoirs et les traditions qui fondent une communauté. Le poète interprète les évènements en vers, il divertit et instruit un public composé notamment d’auditeurs. En acrostiche alphabétique le poète présente son sujet de façon didactique, il se transforme aux yeux de la communauté en un « poète pédagogue » qui développera à chaque strophe ce qui est important et essentiel à la communauté - et cela de « A à Z ».
Les poèmes, sans titre et l’A.B.C. das incredulidade¸ publiés par José Calasans présentent des « matrices » discursives et thématiques propres aux Abc poétiques historiques qui racontent des combats sous le ton de l’éloge ou de la lamentation. Ils peuvent également formuler une critique. Cette tradition présente le poème comme l’inscription en vers d’un événement important qui se doit d’être mémorisé et remémoré. Considérés comme des poèmes mémoriels, les arguments d’implication idéologique, les faits historiques et les personnages importants font surface.
Les deux poèmes, le premier en quatrain (ABCB (irrégulier)), le second en sixain (ABCBDB (irrégulier)), suivent la séquence alphabétique de « A à Z » et de « A à TIL ». Le premier poème est incomplet, la structure alphabétique est très irrégulière par rapport au second. Les éléments structurels traditionnels constitutifs de la forme acrostiche alphabétique ainsi que les formes de l’oralité sont préservés.
De nombreux poèmes collectés à partir de la tradition orale au Brésil débutent par une strophe dans laquelle une date y est inscrite. Cette date situe temporellement l’évènement et marque le moment de rupture entre ce qui était « avant » et ce qui se « survint alors ». Dans le premier poème la strophe A indique l’arrivée de la République. Les conselheristas n’adhèrent pas à cette transformation politique considérant la situation comme absolument néfaste pour le Brésil.
A 15 de Novembro Le 15 Novembre
Não se pode resistir Sans pouvoir résister
Tirarão Guverno da Corte La Couronne est tombée
Para a disgraça do Brasil Pour le malheur du Brésil
La première strophe du deuxième poème - l’A.B.C. das incredulidade – ne donne aucune indication temporelle, c’est le lieu du combat qui est toutefois précisé - Belo Monte (Canudos). Le poète se positionne comme témoin de l’événement et va « déclarer » tout ce qui s’est passé. Il confère ainsi à l’événement décrit en vers une authenticité historique. L’auditeur alors peut le percevoir plus aisément comme une narration historique qui restera, cependant, tdans le domaine du vraisemblable.
Agora vou declará |
Je vais maintenant vous dire |
tudo quanto foi passado |
tout ce qu’il advint |
na batalha Belo Monte |
dans la bataille de Belo Monte |
cos homem civilizado |
de ces hommes civilisés |
que vinhero brigá com Deus |
venus se battre contre Dieux |
ficaram acreditando. |
et qui se sont convertis[25]. |
La dernière strophe formée par le signe TILDE – TIL (~) confirme la perception de son auteur dont les impressions ont été consignées tout le long du poème. Cette strophe renouvelle la tradition des poèmes collectés oralement et réunis dans les études effectuées depuis la n du XIXe siècle par Celso de Magalhães (1873), Sílvio Romero (1879), José Rodrigues de Carvalho (1902), Gustavo Barroso (1911), Leonardo Mota (1920), Luís da Câmara Cascudo (depuis 1937) et Francisco Augusto Pereira da Costa (1966)[26]. Elles prouvent que le signe TILDE - TIL (~) est apprécié par les poètes populaires et apparaît dans quasiment tous les poèmes collectés à partir de la tradition orale.
Ó til he letra final |
Le TILDE est la lettre de la fin |
do ABC derradeiro |
de ce dernier ABC |
isto he p.a dar inzemplo |
qui doit servir d’exemple |
A este homem desordero |
a cet homme agitateur |
que so querem pirsigui |
voulant a tout prix traquer |
O nosso Deus verdadeiro. |
notre vrai Dieu[27]. |
D’un point de vue thématique les deux poèmes dévoilent progressivement et à chaque strophe de « A à Z » et de « A à TIL » quelques informations sur la guerre de Canudos et sa communauté : les conditions politiques qui ont engendré le conflit, le regard des poètes sur les acteurs de cette révolte, les représentations qui ont encouragé hommes et femmes à approuver et adhérer les idées d’Antônio Conselheiro et leur représentations symboliques.
Le premier poème – sans titre – se distingue du second – A.B.C. das incredulidade par son aspect descriptif et par un discours conselheristas plus ou moins structuré. Des considérations circonstancielles et symboliques sont énoncées par l’auteur. Le poème semble avoir été composé dans le but d’exposer didactiquement le mal engendré par le passage au Brésil de l’Empire à la République. Or, José Calasans y voit[28] une louange à la victoire en mai 1893 contre la police baianaise lors du combat à Masseté[29] évoqué dans deux strophes.
Indo a força p.a cima |
En se jetant de force pour |
A concelhero malhar |
capturer Conselheiro |
nas catingas de Machete [Masseté] |
dans les caatingas de Masseté |
lá foram todos se acabar. |
ils se sont fait tous abattre. |
|
|
Jemendo ficarão eles |
Ils se sont lamentés en se |
i um tanto arrependido |
sentant quelque peu repentis |
de ver tanto povo morto |
de voir cette foule morte |
e muito jente ferido. |
et autant de monde blessé[30]. |
Aucune conclusion sur le projet poétique de cet Abc poétique ne peut être considérée définitivement. On peut, cependant, constater qu’il constitue un espace dans lequel son auteur exhorte son indignation et présente à la communauté les conditions politiques et sociales qui ont marqué ce conflit.
O que dia assinalado |
Oh ce jour béni |
que estamos p.a ver… |
que nous attendons tous… |
de pobre si agoentar |
où le pauvre tiendra le coup |
e o Rico correr. |
et le Riche devra s’enfuir |
|
|
A meus Am.o Brasileiro |
A mes amis brésiliens |
perdão quero pedir |
je vous demande pardon |
isto tem de acontecer |
tout cela devra bien arriver |
não tem pa onde fugir. |
car il n’y a aucune issue [31]. |
Les changements et l’incertitude déclenchés par l’arrivée de la République le 15 novembre 1889 sont perçus comme catastrophiques pour le Brésil. Les lois républicaines son comparées au lois du « chien » [32] tandis que les idées d’Antônio Conselheiro aux lois de Dieu[33]. Ces oppositions sont frappantes révélant l’adhésion inébranlable de la communauté aux règles instaurées à Canudos.
çaio D. Pedro Segundo |
Dom Pedro Segundo est parti |
para o reino de Lisboa |
pour le royaume de Lisbonne |
acabõsse a Monarchia |
la monarchie est morte |
e Brasil ficou atôa. |
et le Brésil s’est trouvé seul. |
|
|
Fizerão grande Barulho |
On a fait un grand vacarme |
que o povo desertou |
car le peuple a déserté |
só si for o mesmo Deus |
en demandant le même Dieu |
ou D. Pedro Imperador. |
ou bien l’empereur Dom Pedro |
|
|
I garantidos pela lei |
Ils sont déjà protégés |
esses malvados já istão |
par la loi ces méchants là |
uns tem a lei de Deus |
nous avons la loi de Dieu |
Outros a lei do Cão. |
eux, ils ont la loi du Chien. |
|
|
Kasamento estão fazendo |
Des mariages sont déjà réalisés |
para o povo inludir |
pour que le peuple persuade |
a casar o povo todo |
tout le monde a se |
no casamento civil |
marier au civil. |
|
|
Liodoro como quis |
Liodoro a voulu |
este povo cativar |
enchanter ce peuple |
p.a tomar conta do Mundo |
pour commander le Monde |
p.a ele governar. |
et ainsi gouverner. |
|
|
Muito disgraçados eles |
Ce sont de pauvres diables |
de fazerem alei-ção |
voulant réaliser les élections |
abatendo alei de Deus |
faisant tomber la loi de Dieu |
suspendendo alei do Cão. |
ajournant le loi du Chien. |
|
|
Sebastião já chegou |
Dom Sebastião est arrivé |
comta muito rijimento |
apportant avec lui du monde |
acabando com o Civil |
il supprime le mariage civil |
e fazendo os casamento. |
et réalise les mariages[34]. |
Animé d’un discours manichéen l’auteur oppose le monde de Dieu et le monde du Diable.
Nassio o Antecristo |
L’antéchrist est né |
p.a o mundo governar |
pour gouverner le monde |
ahi estar o concelheiro |
voilà le Conselheiro |
p.a dele nos livrar. |
qui nous en délivrera. |
|
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Queimados seja |
Que soit brûlé |
aquele que a Deus não der lovor |
celui qui ne loue pas Dieu |
do Ceo não espera nada |
il ne peut rien espérer du Ciel |
no Inferno acabarão.[35] |
c’est en Enfer qu’ils finiront[36]. |
Selon José Calasans, l’évocation du roi dom Sebastião[37] dans le premier Abc poétique prouve la continuité de la tradition « sébastianiste [38]» dans le nordeste du Brésil révélant l’espoir de la communauté dans la restauration de la monarchie brésilienne. En effet, le poète présente le roi Sebastião allant à Canudos et s’opposant aux lois de la République.
Sebastião já chegou |
Dom Sebastião est arrivé |
comta mito rijimento |
apportant avec lui du monde |
acabando com o civil |
il supprime le mariage civil |
e fazendo os casamento |
et réalise les mariages[…] |
U que reis de formosura |
Quel roi gracieux |
como é Sebastião |
est Dom Sebastião |
foi chamado pelo mundo |
appelé dans toutes les terres |
da portuguesa Nassão. |
de la Nation portugaise. |
|
|
Visita vem fazer |
Il vient nous rendre visite |
rei D. Sebastião |
le roi Dom Sebastião |
coitadinho d’aquele pobre |
malheureux de ce pauvre |
que estiver nalei do Cão. |
qui vit sous la loi du Chien[…] |
On remarquera que leurs auteurs sont positifs en l’avenir de leur communauté et en la protection divine face à la puissante armée.
Le deuxième poème publié par José Calasans - A.B.C. das incredulidade – est suivi d’une deuxième version collectée oralement par le poète José Aras[39]. Ce poème est plus narratif que le premier. Il raconte la mort du général Moreira César[40] responsable de la troisième expédition organisée contre la communauté de Canudos. C’est une critique du général présentée de « A à Z » sous un ton ironique dans laquelle le poète ne cache pas son mépris.
Daonde hé este homem |
D’où vient cet homme |
tão chêo di valentia |
plein de bravoure |
q.vem araza sidade |
qui vient de dévaster la ville |
di manham athe meio-dia |
du matin jusqu’à midi |
quanta fera os urubu |
combien de bêtes grâce à lui |
coele fizeram fubá |
les vautours ont pu dévorer[…] |
Olhi que ignorança |
Voyez quel ignorant |
deste homem da bahia |
est cet homme de Bahia |
qe só querem pirsigui |
il veut traquer |
ao povo da conpanhia |
le peuple de la compagnie |
nois temos nossa defeza |
nous, nous avons nos défenseurs |
Jesuis Jose e Maria. |
Jésus, José et Marie. […] |
Qapitão Morera Sezar |
Le capitaine Moreira César |
hera homem di opinião |
était un homme d’opinion |
veo dar carne aos zurubú |
il est venu nourrir les charognards |
nas Catingas do sertao |
dans les caatigas du sertão |
quem briga com o Bom Jesus |
ceux qui lutent contre Bom Jesus |
não conta vitória não. |
ne peuvent pas espérer la victoire. |
Reis, princepes e commandante |
Rois, princes et commandants |
que aqui vier brigar |
qui viendront se battre ici |
toudos he di si acabar |
vous aurez tous le même sort |
Como este generá |
de ce général qui est |
q. veio mais não voltou |
venu sans jamais y revenir |
não tem q. si quechá. |
Il n’a rien à se plaindre.. |
|
|
Snr Morera Sezar |
M. Moureira César |
Hera um cabra Mal Criado |
était un gars mal élevé |
tomou bala dos jagunço |
il prit une balle des jagunços[41] |
ficou morto nos pelado |
il est tombé mort dans les clairières |
paresse si não mi engano |
si je ne me trompe pas il semblerait |
entra umburana i salgado. |
Le discours manichéen et les images symboliques conselheristas sont moins importantes que dans le premier Abc poétique. L’auteur, toutefois, raconte et précise que « Na Quartafera de cinsa/ as 11 hora do dia/ presipiouse a batalha […]», « […] Treis mil e 50 prassas / q.vinheram batalhá / toudos vieram a Bello Monte/ i muitos poco ha de contá […] », il critique « Olhi qui ignorança / deste hommem da bahia qe só querem pirsigui / ao povo da conpanhia […] », il commente : « […] mas crêa perfeitamente / qui disto não si lucraro […][44] », et conclut en se moquant
Zomba rapaziada |
Moquez vous tous |
di um causo q. a conteseo |
d’une histoire qui s’est passé |
di 2 generá valente |
de deux généraux gaillards |
q. na batalha morrerão |
morts au combat |
q. vim com tanta furia |
qui sont venus avec tant de férocité |
i tão depressa correram. |
Mais qui on été renvoyés sur le champs[45]. |
Pour conclure, les deux acrostiches alphabétiques composés par des habitants de Canudos pendant les attaques de l’armée Républicaine contre la communauté canudense semblent révéler des images symboliques marquées par une perception collective des évènements même si ces Abc poétiques constituent des représentations littéraires d’un moment vécu par ses auteurs. Ces poèmes historiques formulent une tradition poétique séculaire mais surtout, ils énoncent selon un schéma structuré les espoirs et la foi d’hommes et de femmes suivant Antônio Conselheiro. Considérés injustement par Euclides da Cunha comme les représentations du « trouble intellectuel d’un malheureux. Car ce qui vibre dans toutes ces lignes, c’est la même religiosité diffuse et incongrue, dont le tendances messianiques n’ont bien peu de signification politique [….][46] », les deux Abc poétiques forment indiscutablement un témoignage littéraire fondant la mémoire de Canudos, de ses habitants et de son histoire.
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Bibliographie
CUNHA, Euclides da, Hautes Terres (La guerre de Canudos), Paris, Métailé, 1993.
CUNHA, Euclides da, Os Sertões. (Campanha de Canudos)¸ Leopoldo M. Bernucci (edição,) prefácio, cronologia, notas e índices Leopoldo M. Bernucci), São Paulo, Ateliê Editorial, Imprensa Oficial do Estado, Arquivo do Estado, 2001.
LEVINE, Robert M., « Le massacre de Canudos, 100 ans après », In: Taíra. Revue du Centre de recherche et d’études lusophones e intertropicales, CRELIT N° 9, Université Stendhal – Grenoble 3, 1997, p. 13 – 35
MONIZ, Edmundo, A guerra social de Canudos, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 1978.
OTTEN, Alexandre, « A influência do Ideário Religioso na Construção da Comunidade de Belo Monte », In : Luso-Brazilian Review XXX¸ Madison, University of Wisconsin Press, Vol. 30, n°2, 1993, p. 71 – 95.
Sá, Antônio Fernando de Araujo, Memórias em confronto nas comemorações dos centenários de Canudos (1993-1997)¸ In: www. monografias. com.
SANTOS, Idelette Muzart Fonseca dos, ROLLAND, Denis, (org.), Le Brésil face à son passé : La guerre de Canudos. Quand les Brésiliens découvrent le Brésil : Euclides da Cunha, l’écriture et la fabrique de l’histoire, Paris, L’Harmattan, 2005.
VENTURA, Roberto, « Canudos como cidade iletrada: Euclides da Cunha na urbs monstruosa. » Rev. Antropol. [online]. 1997, vol. 40, no. 1 [citado 2007-06-23], pp. 165-181. Disponible In: http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S003477011997000100006&lng=pt&nrm=iso>. ISSN 0034-7701.
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Sans Titre (Canudos)
A 15 de Novembro
Não se pode resistir
Tirarão Guverno da Corte
Para a disgraça do Brasil.
Brincando ficarão eles
Com toda a fidalguia
Já vem os reis mais perto
Fazendo grande Armonia.
çaio D. Pedro Segundo
Para o reino de Lisboa
Acabõsse a Monarchia
e Brasil ficou atôa.
Disem que são Império
para o mundo governar
Deus já foi servido
algum jeito hé de dar.
E o que quero encomendar
a meus amigos Brasileiro
a homem que tiver pensar
não entra na lei estranjeiro.
Fizerão grande Barulho
que o povo desertou
só si for o mesmo Deus
ou D. Pedro Imperador.
I garantidos pela lei
esses malvados já istão
uns tem a lei de Deus
Outros a lei do Cão.
O que dia assinalado
que estamos p.a ver…
de pobre si agoentar
e o Rico correr.
Patentes tem tirado
que já foi aborreçer
o Cão tem dado titulo
p.a eles arreceber.
Homem de grande siença
comu Padres e Doutores
mitidos nesta lei
como q.m já são defençor.
Indo a força p.a cima
a concelhero malhar
nas catingas de Machete [Masseté]
lá foram todos se acabar.
Jemendo ficarão eles
i um tanto arrependido
de ver tanto povo morto
e muito jente ferido.
Kasamento estão fazendo
para o povo inludir
a casar o povo todo
no casamento civil
Liodoro como quis
este povo cativar
p.a tomar conta do Mundo
p.a ele governar.
Muito digraçados eles
de fazerem alei-ção
abatendo alei de Deus
suspendendo alei do Cão.
Nassio o Antecristo
p.a o mundo governar
ahi estar o concelheiro
p.a deles nos livrar.
Queimados seja aquele
Que a Deus não der lovor
do Ceo não espera nada
no Inferno acabarão.
Rio Grande estar na guerra
com tamanha cobardia
acabando com a República
a favor da monarquia.
Sebastião já chegou
comta muito rijimento
acabando com o Civil
e fazendo os casamento.
Tanta gente que siassigna
nesta lei da falcidade
Xamemos por Jesus
que tenha de nós piedade.
U que reis de formosura
como é Sebastião
foi chamado pelo mundo
da portuguesa Nassão.
Visita vem fazer
Rei D. Sebastião
Coitadinho d’aquele pobre
que estiver nalei do Cão.
Horando já estão eles
por viver nas amargura
de ver o povo de Deus
que esta lei não atura.
Indo p.a Cidade
se corro alcançar
de tenta dalapidadão
de l’a se vae arrancar.
Zinco e cobre e Dinheiro
tudo está arrecolhido
para tomar conta
do Rio de Janeiro
No tal fallimos nós
por ser letra de portuguez
Vir antonio Concelheiro
no Céo em todo lugar.
A meus Am.o Brasileiro
perdão quero pedir
isto tem de acontecer
não tem pa onde fugir.
Quemixamo sou eu [illisible]
mesmo moro [illisible]
e a terra sem [illisible]
e nem encoste de [illisible]
Andem tantas nele [illisible]
tem cousa [illisible
nossa não [illisible]
A.B.C. das incredulidade (version I)
Agora vou declará
tudo quanto foi passado
na batalha Belo Monte
Cos homem civilizado
que vinhero brigá com Deus
ficaram acreditado.
Bem pudia eles saberem
q. isto não pudia ser
di virem com Deus
q. hé quem tem toudo poder
i que o nosso Concelhero
não chega p.a eles ver.
Cahio este grande impio
lá do rio Janeiro
pirsiguido o Bom Jesus
i o nosso Concelhero
p.s só quem pode é Deus
q. governa o mundo amém.
Daonde hé este homem
tão chêo di valentia
q. vem araza sidade
di manham athe meio-dia
Quanta fera os urubu
Coele fizeram fubá.
Eu sempre con muito modo
mas mi puis arreparando
Os do Morera Sezar
Qd.ovinha camiando
dizendo aos seus sentinela
q.p.a perto fossem chegando.
[illisible]
Kalunia e mais calunia
deste povo levantam
e correram foram
conta ao tal governador
a fim de vim persigui
ao nosso Salvador.
Lembrança ao Morera Sezar
que o zurubu mandou
i mandaro perguntá
si ele algum dia Brigou
i u q. foi q. hove agora
que nos pelado ficou.
Morera Sezar i thamarinho
eram os 2 vensidores
qe viam ao Bello Monte
como raios abrazadores
mais ozurubú comeo.
estes cabra matadores.
Na Quartafera de sinsa
as 11 horas do dia
presipiouse a batalha
na estrada da friguizia
O Snr Morera Sezar
com o povo da companhia
chegaram no Bello Monte
a pino do meio dia.
Olhi que ignorança
deste homem da bahia
qe só querem pirsigui
ao povo da conpanhia
nois temos nossa defeza
Jesuis Jose e Maria.
Us pobre dos soldadinho
Si viram tão avechado
mit it ansi na catinga
Curriam que só viado.
Finalmente foram entrar
i alguma cousa robar
mas crêa perfeitamente
qui disto não si lucraro
Quartafera as 9 hora
corriam como cavallo.
Grandeza só tem Jesus
qui nos livra de toudo mal
assim como nos livramos
deste castigo mortal
daquelle inpio suberbo
qui vinha nos acabá.
Homem q. só mainando
in mata os inocente
P.m Deus o castigou
inhuma hora derepente
moreo logos os jenerais
Commandantes i sargentos.
Indo ele comuinta furia
ao Bello Monte arazá
mais elle si inganou
que vinhero se acabá
q. Deus não ajuntou seu povo
p.a o demonho espalhá.
José Morera Sezar
14 batalhas vencêo
nas 15 vêo ao Bello Monte
e ozurubú o comeo
sendo elle tão valente
nem sei p.a que morreu.
Pessa bonba a fugueti
Tudo isto nada virou
porq. viam persigui
As igreja do Senhor
viam p’ra nos acabá
i elles foi q.si acabou.
Qapitão Morera Sezar
hera homem di opinião
veo dar carne aos zurubú
nas Catingas do sertao
quem briga com o Bom Jesus
não conta vitória não.
Reis, princepes e commandante
que aqui vier brigar
toudos he di si acabar
Como este generá
q. veio mais não voltou
não tem q. si quechá.
Snr Morera Sezar
Hera um cabra Mal Criado
tomou bala dos jagunço
ficou morto nos pelado
paresse si não mi engano
entra umburana i salgado.
Treis mil e 50 prassas
q. vinheram batalhá
toudos vieram a Bello Monte
i muitos poco ha de contá
porq. só quem pode he Deus
q. então perder não há.
Us pobre dos soldadinho
Si viram tão avechado
mi ti ansi na catinga
Curriam que só viado.
Ca dê nosso generá
ficou morto no pelado.
Vinha nois toudos
fiado neste grande generá
que vinha nos afiansando
de ir Bello Monte arrazá
mas elle já se acabou
q. vamos nois fazer lá.
Xora elle sem remedio
dizendo sempre o direito
elle ficou nos pelado
sabendo que me derreto
en qt.o mi lembra desta
outro crime não cometo.
Zomba rapaziada
di um causo q. a conteseo
di 2 generá valente
q. na batalha morrerão
q. vim vom tanta furia
i tão depressa correram.
Ó til he letra final
do ABC derradeiro
isto he p.a dar inzemplo
a este homem desordero
que so querem pirsigui
o nosso Deus verdadeiro.
A.B.C. das incredulidade
Agora vou falá
Tudo quanto tem passado
Na batáia do Belo Monte
Os hóme a findalisaro
Vinhero brigá com Deus
Num ficaro acreditado.
Bem podia êle sabê
Qui isto não podia sê
De vim brigá com Deus
Qui é qui tem todo pudê
E qui o nosso Conseeiro
Num chegava pr’êles vê.
Começô o grande império
Lá no Rio de Janeiro
Só a fim de prosseguir
O Bom Jesus Conseeiro
Mais pudê só tem Jesus
Qui governa o mundo inteiro.
Donde saiu êsse home
Cum tamanha soberbia
quiria arrasá a cidade
De manhã até mei dia
Quinta-feira os arubú
Cum êles fizero fulia.
Eu cum muito mêdo
Fiquei de longe ispiando
O sinhô Moreira César
Quando vinha caminhando
Dizendo ao sordadinho
Pra perto fôsse chagando.
Filizmente fôro entrando
Alguma coisa roubáro
Porém creu prefeitamente
Qui disso num se lucráro
Quinta-feira 9 hóra
Corriam qui só cavalo.
Grandeza só de Jesus
Qui é quem pode nos livrá
Assim cuma nos livrô
Daquême castigo mortá
Daquele impero siberbo
Qui vinha prá nos acabá.
Homes que só maginava
Em acabá os inucente
Porisso Deus castigô
Numa hora de repente
Logo morreu o generá
O cumandante e tenente.
Inquanto êles pensava
Qui via o nosso conseieiro
Sé atiraro a corpo
Matáro os cumpanheiro
E dipois curria aos artos.
Só cavalo de vaqueiro.
Genenrá Moreira Céza
Catorze batáia venceu
Na quinze veio a Belo Monte
Mais os urubú o cumeu
Seno êle tão valente
Eu nem sei cuma morreu.
Kalunas e mais kalunas
êsse pôvo alenvantô
Corrêro e fôro contá
Contá ao tá gunvernador
Só a fim de prissiguí
O bom Jisus rotetô.
Lembrança ao Moreira Céza
Qui os arubú mandou
Mandou priguntá prá gente
Se argum dia nós brigô
Qui vinha prá nos acabá
Êle foi qui se acabou.
Moreira Céza e Tamarino
Qui foi dois hôme brigadô
Vinha prá nos acabá
Êle foi qui se acabô
Qui ficaro em Belo Monte
e os urubú ingordou.
Na quarta-feira de cinza
Pelas dez hora do dia
Cumeçô a batáia
No caminho da friguisia
Chegáro em Belo Monte
No pino do meio dia.
O nosso Conseiêro
Pru nóis rezava o sinhô
Quando os macaco chegaró
Tinha gente qui chorô
Mais os qui tava isperano
No rio logo incrontô.
Pruquê êle dizia
No rio ninguém passô
E o qui passô num vorta
Quando a cornêta chamô
Pajeú gritou-vamo gente
Qui o anti-cristo vortô.
Qui veio de lá bem longe
Do rio grande do sul
Prá brigá no Belo Monte
vinha qui só cangussú
No arto das imburana
Foi só carne pus arubú.
Regeno seu bataião
Perna de cana caiana
Tumou bala em Belo Monte
E foi morrê nas Imburana
Veio cum tanto orgúio
Morrê na terra baiana.
Sinhô Tamarino
Junto cum seu cumpanhêro
Nunca mais vortará aquí
Prá matá o Conseiêro
Pruquê istamo guardado
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